Galilée, abjurant ses idées devant un tribunal ecclésiastique, est la figure emblématique du combat entre science et religion, foi et raison… Pourtant, quelques 300 ans auparavant, au XIVème, Guillaume d’Occam énonçait un principe, appelé principe de parcimonie. Essentiellement, le principe énonce qu’il ne faut pas multiplier les concepts pour expliquer le monde, refusant toute réalité aux grands mots abstraits tels que humanité, beauté… Le principe de parcimonie peut être entendu comme un refus de multiplier les hypothèses pour expliquer le monde et est ainsi fondateur de la science moderne.

Einstein l’a mis au goût du jour en énonçant qu’il faut tout faire aussi simple que possible, mais pas plus.

Ceci nous rappelle que la science fonctionne à partir d’hypothèses; en mathématiques, elles portent le nom d’axiomes; ailleurs, on parlera de postulats ou simplement d’hypothèses. A partir de ces hypothèses, la science déroule ensuite le raisonnement et développe les théorie. En quoi nous voyons que la science a une certaine parenté avec Achille, le héros grec de l’Iliade; comme lui, le raisonnement scientifique est invulnérable mais il faut bien le tenir “par un bout”, à l’image d’Achille que sa mère dut tenir par le talon pour le plonger dans les eaux du Styx.

Bien sûr la mère d’Achille a pris soin, peine perdue comme le dit la suite de l’histoire, de tenir son fils par une partie la plus réduite possible de son anatomie; ainsi les scientifiques qui s’efforcent d’appuyer leurs théories sur les hypothèses les moins gourmandes en suppositions: plus faible l’hypothèse, plus forte la théorie. Ainsi le principe d’Occam qui vise à éliminer au maximum les présupposés et constructions intellectuelles artificielles, raison pour laquelle il fut aussi baptisé “rasoir d’Occam”. Raison pour laquelle sans doute aussi, Occam fut excommunié. D’un certain point de vue, en effet, l’existence de Dieu peut être considérée comme une hypothèse particulièrement… volumineuse. Dès lors le rasoir d’Occam ouvrait la porte à des théories faisant l’économie de l’existence de Dieu.

Ce qui n’a pas manqué d’arriver, comme chacun sait. Ces théories sur un univers sans dieu, que je qualifie volontiers “d’athéisme militant” peuvent néanmoins appeler les remarques suivantes:

  • La religion n’est en concurrence avec la science, sur le terrain d’une explication du monde. Elles n’ont ni les mêmes fins, ni les mêmes moyens.La science approche le monde par des modèles scientifiques; elle se préoccupe de savoir si ces modèles se comportent conformément au réel. Je ne crois pas que la science ait jamais tenté – au contraire de la religion, de percer vraiment le mystère du réel. Ce qu’Einstein d’ailleurs, à sa manière percutante, confirme en disant: il n’existe pas de chemin menant de l’expérience à la théorie.
  • Je ne crois pas qu’on puisse considérer Dieu, comme une “hypothèse”. Non pas je veuille imposer l’idée de son existence mais parce que, d’une part, une hypothèse est par nature réfutable tandis que l’existence de Dieu ne l’est pas (pas plus que l’idée de son inexistence); d’autre part, parce que l’idée de l’existence de Dieu n’est le point de départ d’aucun raisonnement discursif: une fois dit “Dieu existe” (ou le contraire), rien ne permet d’en déduire quoi que ce soit, à moins de donner des attributs à la divinité.

En effet, si l’existence de Dieu n’est pas le point de départ d’un raisonnement, certaines conceptions de la divinité le sont et peuvent donner lieu à conséquence parfois dramatique, ainsi qu’en témoigne l’actualité: en cela, Occam peut s’avérer précieux aux plus fervents croyants, comme aux laïques les plus convaincus.