Les débats sur la foi/religion/croyance ressemblent fort à des westerns: pour tuer le cavalier, on tire sur la monture. C’est que les films du genre sont peuplés d’individus… sans foi ni loi! Ainsi pour critiquer la foi, on ironise sur la croyance; pour critiquer la croyance, on démolit la religion; pour critiquer la religion, on met en exergue les vices de ses adeptes, de son clergé.
Que nous importe qu’un évêque ou un prêtre soit une brebis égarée: la justice civile n’a qu’à faire son chemin; que nous importe que les Écritures contiennent des histoires réfutées par la science; que nous importe même que nos contemporains aient une vision de Dieu qui nous semble puérile.
Ce qui nous importe, c’est la construction intérieure que tout l’arsenal de la foi permet de mener à bien; construction qui commence par reconnaître ce qui est. “Ce qui est”, de notre point de vue, évidemment. Il s’agit d’appuyer notre construction intérieure sur quelque chose de solide. Je comprends que nos ancêtres ont simplement donné un nom à cette fondation, à ce “Ce qui est”. Et ce mot est – ou disons que la traduction actuelle de ce mot est – Dieu. Quels que soient les attributs dont on l’a ensuite paré, y compris la personnification, y compris le pouvoir, y compris la volonté, Dieu est d’abord le roc sur lequel les hommes ont voulu se construire: “Je suis celui qui est”(*) – Jehovah – est d’ailleurs son nom le plus explicite.
Cela est croyance et à chacun il revient de trouver la sienne; la question de croire ou ne pas croire se vide de sons sens: la question est: en quoi croyez-vous?(**)
Et puisque la foi est vertu, il convient alors de la pratiquer et de la cultiver en prenant cette croyance pour monture; comme un sportif travaille son art et entretient son corps; comme n’importe qui d’entre nous qui entretenons nos talents, nos savoir-faire. D’où l’on comprend que la pratique prime la révélation et que la devise de l’homme de foi pourrait être: je crois ce que je crois.
Cet exercice là pourtant n’est pas si simple, surtout dans la solitude de l’âme; d’où vient que les hommes ont inventé les religions pour que les hommes ne perdent pas le contact avec leurs croyances et conservent leur foi par la pratique.
Réfuter la religion, quelle qu’elle soit, dire “je ne crois pas en Dieu”: c’est d’abord dire je ne crois pas en la même chose qu’eux; et la question de savoir en quoi l’on croit reste ouverte: pour ma part, c’est ainsi que je ne crois guère au véritable athéisme.
(*) Quelqu’un sans doute saura m’expliquer pourquoi on lui préfère aujourd’hui la formule bizarre: “je suis celui qui suis”; au prétexte à mon avis fallacieux que le sujet des deux “suis” est la première personne? Dira-t-on: celui qui suis le plus beau, c’est moi ou bien plutôt: celui qui est le plus beau, c’est moi?
(**) Tout de même: en quoi croyez-vous qui ne soit pas vous-même, qui porte de l’altérité par rapport à vous: à vous en tant qu’individu, mais aussi à vous en tant que membre de cette société, à vous en tant qu’être humain; à quoi croyez-vous que vous ne portiez pas totalement dans votre sein; faute de quoi la foi tourne en rond.
« Cela est croyance et à chacun il revient de trouver la sienne, la question
de croire ou ne pas « croire se vide de son sens: la question est: en quoi
croyez-vous? »
« Réfuter la religion, quelle qu’elle soit, dire "je ne crois pas en Dieu":
c’est d’abord dire je ne « crois pas en la même chose qu’eux, et la question de
savoir en quoi l’on croit reste ouverte: « pour ma part, c’est ainsi que je ne
crois guère au véritable athéisme. »
Il n’y a rien de plus incompréhensible pour un athée que ces phrases «
accaparatrices ». Elles me font penser à mes bons pères marianistes qui
s’ingéniaient à prouver que les « athées » croyaient en Dieu ou que, quand, ils
étaient, comme Nietzsche, un peu trop sulfureux, faisaient subrepticement
remarquer qu’ils avaient sombré dans la folie.
Il est certain que réfuter la religion pour justifier son athéisme est un peu
court quoique parfois, l’athée a vraiment le sentiment que le croyant se laisse
manipuler par des hommes soit disant religieux mais contaminés par le virus du
pouvoir ne serait-ce parce qu’ils croient que leur religion est la meilleure.
Accessoirement, il est probable qu’il se trouvera beaucoup plus séduit par une
idéologie protestante que par la pompe juive, catholique, orthodoxe ou
islamique. Mais bon admettons que l’athéisme destructeur de Michel Onfray,
malgré ses cruelles vérités, est excessif donc insignifiant.
Je comprends parfaitement que, mystique ou croyant, comme vous l’êtes, vous ne
pouvez pas vous imaginer que quelqu’un ne puisse croire à rien, qu’il puisse
avoir le sentiment de l’inanité de la présence d’un dieu (indémontrable
évidemment dans un sens comme dans l’autre – ce serait trop facile d’ailleurs
–Dieu a veillé au grain ! :-)). Sentiment d’un rien ! Mais je vous connais : je
redoute que vous me disiez que c’est aussi une croyance. Alors je serais (je
suis) désespéré de cette incommunicabilité des expériences. Je n’ai jamais
connu échange aussi stérile que celui d’un croyant avec un incroyant à moins
qu’ils ne parlent de morale ou d’histoire religieuse… Deux personnes se
trouvent devant un tableau d’art abstrait : l’un est transcendé par tant de
beauté, l’autre n’y voit qu’un travail insipide. Education vous me direz. Je
vous répondrai émotions non encartées dans le système nerveux.
« A quoi croyez vous ? » Un athée aime la vie, la sensualité, l’amour, est
fasciné par la diversité sans fin de ce qui l’entoure et qui le passionne,
recherche la sérénité dans une sagesse acquise tout au long de sa vie, apprend
à mourir avec élégance. De quoi remplir une belle vie au point de souhaiter
ardemment que la réincarnation existe…
Puis- je vous retourner une question : quel intérêt y a t’il à croire en Dieu ?
A quoi ça sert ?