La foi, première des trois vertus théologales, se distingue de ses sœurs, l’espérance et la charité et même des autres vertus de façon tout à fait radicale au point même qu’on puisse soudain douter qu’elle est une “vertu”. Cela parce que, et là réside sa particularité, son objet est inaccessible.

L’espérance a pour objet un but que nous souhaitons atteindre, fut-il aussi peu terrien que le salut de notre âme; la charité concerne nos semblables et les autres vertus, d’une façon générale, portent sur notre conduite, nos paroles et nos actions dans ce monde. L’objet de la foi est, sinon hors de ce monde, du moins hors de notre portée et hors de toute preuve; faute de quoi il ne s’agirait plus de foi.

Voilà pourquoi la foi en Dieu symbolise de façon absolue toute forme de foi; ou, à l’inverse, voilà comment l’idée même de foi définit la divinité: l’altérité absolue, définitivement inaccessible à notre entendement, à notre raisonnement, à toute preuve.

Karl Popper, dans son livre “La logique de la découverte scientifique”, définit les problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance et, parmi eux, celui de la “démarcation”; ainsi nomme-t-il la frontière entre la science et la métaphysique: où commence l’une, où commence l’autre? Quelque importance qu’il attribue à la résolution de ce problème, il se défend de vouloir “abattre la métaphysique”; il a même cette phrase:

(…) je suis enclin à penser que la découverte scientifique est impossible si l’on ne possède une foi en des idées purement spéculatives et parfois tout à fait imprécises, une foi que rien ne garantit d’un point de vue scientifique et qui est, dans cette mesure, “métaphysique”.

A lire Popper, on ne s’étonne plus du vocable “métaphysique”, méta-physique qui désigne une physique qui englobe la physique, une discipline qui englobe la science sans être elle-même une science.

Ainsi la foi peut-elle être considérée comme une “méta-vertu”; celle d’entre les vertus – puisque l’usage lui a consacré ce titre – qui permet et sous-tend les autres; celles sans laquelle les autres vertus perdraient leur raison d’être; puisque enfin, sans la foi, quelle raison nous pousserait les uns et les autres, y compris ceux qui s’en défendent, à pratiquer parfois la vertu?