Dans le dernier épisode, nous avions abordé l’angoisse existentielle, cette sourde inquiétude tapie au fond de notre être et qui, parfois, fait surface et nous fait poser mille questions.

Quelques lecteurs se sont émus du sujet et ont pris de mes nouvelles: “J’espère que tu vas bien quand même” me dit l’un d’eux. C’est dire que le sujet ne peut pas être abordé à la légère et que parler d’angoisse ou de mort suscite immédiatement les craintes de votre entourage. Les craintes pour vous ou… les craintes pour soi de tout un chacun.

Je comparerais volontiers l’angoisse existentielle au coeur d’un réacteur nucléaire; à la fois un endroit dangereux dont il ne faut s’approcher qu’avec précaution, en s’assurant de sa sécurité; à la fois une formidable source d’énergie. Il me plaît de croire que la conscience de notre finitude est le moteur de nos actions; ce qui nous pousse à laisser une trace de notre passage, à nous dépasser, à nous élever.

De fait, une situation thérapeutique ou de coaching, avec un professionnel, est de nature à procurer la sécurité nécessaire pour s’approcher de cette angoisse sans craindre l’effondrement. Pas à pas, tout doucement, l’oeil rivé sur cette sorte de compteur Geiger qu’est notre conscience. Ce qui n’est pas loin d’être un paradoxe car ce dont nous nous approchons peut être regardé de diverses façons, qu’Irvin Yalom [1], appelle des “pressions existentielles”, dont l’une d’elles est: la solitude.

S’approcher accompagné de la solitude, quelle drôle d’idée! Et pour quoi faire? Puisque cette solitude existentielle, c’est une solitude irréductible, qui ne nous quitte pas même au milieu de la foule, même au milieu des êtres que nous chérissons; celle qui affleure face aux événements difficiles, la maladie par exemple, ou les choix cruciaux que nous avons à faire pour nous-mêmes. Qu’il n’y a pas moyen de s’en défaire. Alors, je repose la question: pour quoi faire?

L’accompagnement n’a pas seulement pour but de résoudre un “problème” ni de faire cesser une plainte; il a pour vocation de permettre notre propre développement. Qui dit développement dit, comme en économie, ressources nécessaires. Des ressources intérieures qui, précisément, sont disponibles dans les tréfonds de notre être, là où nul autre que nous ne peut se tenir, là où nous rencontrons notre solitude. Apprendre à se tenir dans notre solitude et à faire face à l’angoisse, c’est activer ces ressources. À l’inverse, refuser d’y aller, refuser de la voir, c’est se couper d’une part de soi, c’est se couper de précieuses ressources.

C’est pourquoi le professionnel de l’accompagnement n’a jamais pour intention de vous amputer de votre solitude, pas plus que de vos peurs, vos angoisses, vos douleurs. Il a pour but de vous aider à les apprivoiser. À voir un ami là où, aujourd’hui, nous voyons une créature étrangère et dangereuse, comme un animal sauvage, à reconnaître cette partie ignorée de nous pour aller vers la plénitude de notre être.

Un processus long qui demande patience et persévérance, qui n’est pas sans rappeler la belle métaphore employée par Saint-Exupéry dans Le petit prince:

« On ne connaît que les choses que l’on apprivoise dit le renard. Les hommes n’ont plus le temps de rien connaître. Ils achètent des choses toutes faites chez les marchands. Mais comme il n’existe point de marchands d’amis, les hommes n’ont plus d’amis. Si tu veux un ami, apprivoise-moi !
— Que faut-il faire ? dit le petit prince.
— Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’œil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près… »

Deuxième épisode d’une mini série sur les questions existentielles: https://www.lqc.fr/series/existence-quand-tu-nous-tiens/

[1] Irvin Yalom – Thérapie existentielle – Galaade éditions 2012 

Article paru sur le site dirigeant.fr