Un de mes amis publie sur Facebook la citation suivante:

Les bavards sont les plus discrets des hommes : ils parlent pour ne rien dire. — Voltaire

Très belle citation, très élégante et subtile, dont le grand Voltaire était familier. Quelqu’un commente: “Exact, ils noient le poisson”.

D’abord j’opine, et à la citation, et au commentaire. Un comportement exagéré – trop parler ici – est toujours le signe de quelque chose. Et puis soudain, je me souviens que je suis en train de lire un livre de Charles Rojzman [1], qui oeuvre notamment dans les banlieues en s’efforçant de faire dialoguer des gens qui ne se parlent pas d’habitude, voire qui ont des comportements hostiles les uns vis-à-vis des autres: policiers, éducateurs, parents, enseignants, jeunes, gardiens, facteurs, etc.

Or, le premier obstacle qu’il signale, pour établir un dialogue authentique et constructif, c’est le préjugé. Et le préjugé se reconnaît à la généralisation: LES policiers; LES jeunes; LES parents. Et non pas un tel ou une telle. Le premier travail, dit donc Charles Rojzman, c’est de dépasser le préjugé et de tomber les masques afin que les vraies personnes apparaissent.

Où ce qui m’apparaît, maintenant, c’est que la citation peut parfois être la puissance de l’esprit au service du préjugé.

De sorte que la prochaine fois que je verrai un bavard, je ne me dirai pas qu’il parle pour ne rien dire. Je lui dirai: “qui es-tu?”

[1] Violences dans la république, l’urgence d’une réconciliation – Charles Rojzman – La Découverte 2015